Avec le chanoine Kir, Albert Gau fut l’abbé le plus connu du Palais Bourbon. Né à Conques sur Orbiel en 1910 Albert Gau, orphelin de père tué aux Dardanelles, fut un prêtre républicain qui a prêché le « devoir de désobéissance ». Il choisit d’entrer au Grand Séminaire de Saint Sulpice, à Paris où il a un condisciple qui deviendra l’un des futurs évêques de Carcassonne, Monseigneur Puech dont il sera le vicaire épiscopal. Résistant de la première heure, (1940) souvent imprudent, au péril de sa vie, il accueille de nombreux réfugiés juifs à qui il fournit de faux papiers. Son journal « Le Midi Social » sera supprimé par Vichy. La Gestapo et la milice l’ont à l’oeil. Sur le point d’être arrêté en 1943 il réussit à leur échapper en s’échappant par le toit et se réfugie du côté d’Issel où il est caché par des amis. Alerté par de bonnes âmes anonymes ayant informé l’évêque que l’abbé recevait de jeunes femmes juives qu’il cachait au presbytère, où à la maison des oeuvres diocésaines qu’il transforma en véritables dortoirs pour les réfugiés. L’évêque le convoqua en lui intimant l’ordre de chasser les jeunes femmes. Le lendemain, l’abbé Gau se pointa à l’évêché avec l’une de ses protégées : elle était sur le point d’accoucher… Plus tard, il créé le centre d’éducation spécialisé de Sainte-Gemme que lui avait légué le marquis de Lordat, afin d’aider la jeunesse en difficulté à s’insérer dans la vie professionnelle. Il organise le cercle des patrons chrétiens. Il dirige le journal « La Croix du Midi » où ses tribunes ne peuvent laisser indifférent et s’élèvent, avec un général chrétien, contre la torture en Algérie. Albert Gau lutta contre le racisme et l’antisémitisme. Il faut l’avoir vu défendre des objecteurs de conscience au palais de Justice de Carcassonne pour avoir une idée de son pacifisme. Elu député de l’Aude sous l’étiquette M.R.P. de 1945 à 1956 il est le meilleur ami de ses autres collègues députés de l’Aude : le socialiste Francis Vals, maire de Narbonne, le communiste Félix Roquefort, maire de Conques et Georges Guille, chargé des questions nucléaires à l’Assemblée et président du Conseil général. On le retrouve en soutien des mineurs de Salsigne en grève, auprès de Félix Roquefort. En 1987, l’Etat d’Israël le proclame « Juste parmi les Nations ». Il est invité à aller planter son arbre dans le jardin des Justes à Jérusalem. Albert Gau s’éteint en 1993. Il restera le prêtre pour qui : « l’évangile n’est pas neutre… ».
Jean-Yves Tournié