Ses chansons « courent toujours dans les rues ». Longtemps, longtemps après sa disparition, Charles Trenet occupe encore une place prépondérante dans la chanson française. Et à Narbonne, la ville où il est né en 1913. Des centaines de textes et de mélodies ont forgé sa notoriété de « philosophe du bonheur ». Charles Trenet a traversé les modes et les époques jusqu’à son dernier récital, salle Pleyel à Paris, en 1999. Entre sa maison de Narbonne et Perpignan où son père était notaire, il a gravé à jamais « La mer » qu’il admirait du côté de Port-la Nouvelle ou de Gruissan dans la mémoire collective, comme tant d’autres refrains qui célébraient la gaité, la poésie, quelquefois la tristesse et la joie savamment mêlées, à l’instar de « Je chante », drame supplanté par l’allégresse. Ce sont les artistes d’hier et d’aujourd’hui qui en parlent le mieux. Ainsi, Charles Aznavour, pour qui Trenet « a inventé la chanson poético-populaire ». Juliette Gréco évoque sa postérité : « C’est grave qu’il soit mort, mais moins grave que pour d’autres parce que lui, on ne l’oubliera jamais ». Le regretté Cabu avouait : « Si j’avais été chanteur au lieu d’être dessinateur, j’aurais été Trenet. Il a donné envie de faire de la musique ». Pour Liane Foly, « c’était une véritable légende ». Pour Patrick Fiori, « il était à la fois élitiste et populaire ». Natasha Saint- Pier parle de son « universalité ». Laurent Boyer, lui, le qualifie « de fondamental » : « Il a révolutionné la chanson française en lui amenant le swing, une écriture, une façon de rythmer la langue française ». La rencontre entre Trenet et Nat King Cole aux USA, n’est sans doute pas étrangère au style qu’il a ensuite imprimé, cette sorte de légèreté qui lui permettait de chanter quelquefois des mots graves, l’air de rien. Le Fou chantant, « également vagabond, tellement il a voyagé physiquement et dans sa tête », dixit Nelson Monfort, s’est éteint en 2001, auprès de son fidèle secrétaire Georges. Il disait « vivre son rêve après avoir rêvé de vivre sa vie ». A Narbonne, sa maison natale est devenue musée, une avenue porte son nom. Il a surtout laissé, partout dans le monde, un jardin extraordinaire semé de belles notes et de phrases élégantes. « On a entendu tellement de belles chansons de sa part pendant 70 ans « résume Michel Fugain, « qu’avant de nous mettre sur le cul, il faudra que les jeunes artistes d’aujourd’hui se lèvent tôt ! ». Un hommage imagé pour illustrer l’aura d’un poète au caractère trempé qui a su, mieux que quiconque, jouer avec les mots. Et les maux.
Jean-Paul Chaluleau