Il a la formule lapidaire, l’inépuisable et imprévisible Président de la Cave Anne de Joyeuse, que l’on vous déconseille vivement d’inviter à votre table si vous souhaitez passer une soirée tranquille, entre le tic-tac de la vieille comtoise et les «slups» de la soupe trop chaude qui brûle la lippe.. . Un bouquet d’aphorismes pour se mettre en bouche:» la confiance et le respect du travail des autres c’est remis en cause tous les matins, comme le couple. « Il y a 20 ans on faisait du jus de fruits, du vin imbuvable», « A l’ombre de la grande soeur, Sieur d’Arques ça n’a pas toujours été facile mais ça nous a botté le cul pour avancer »… « L’allumé » tel qu’il se présente n’a pas été avare de découvertes et de coups de coeur dans sa vie de vigneron responsable professionnel et syndical, toujours le pied en l’air, en partance vers de nouvelles expériences sur tous les continents où la vigne, la seule compagne qu’il a (ou qui l’a gardé) aussi longtemps- Rémy Fort vient de fêter ses 61 ans- l’attendait, avec ses particularités selon le cépage, le climat, la couleur de la terre et du ciel, les gens aussi, les vignerons, ses frères d’armes. Ce fils, petit-fils, arrière petit-fils et père de vigneron s’est rendu compte un jour que la paperasserie pouvait avoir un sens, enfin quand elle voulait dire quelque chose comme du temps d’André Monell, son prédécesseur : « quand on a lancé le programme d’assurance qualité» ou plus tard lorsqu’il succède à celui qui lui a beaucoup appris. « La retenue dit-il et le goût pour parler en public. » Il ne s’en privera pas. La seconde rencontre essentielle c’est son Directeur Guy Andrieu avec qui il forme un binome de choc. Ensemble ils vont introduire la bouteille dans la commercialisation tout en renforçant le positionnement du vrac. Mais ils ne laisseront à personne le soin de vendre la production de leurs 350 adhérents, la trentaine d’agents sur le territoire s’en chargeant, selon un protocole complexe «une véritable toile d’araignée» mais qui participe à la construction de l’image de la Cave auprès de ses clients, garantissant la stabilité et l’indépendance financière. « Quand chacun reste à sa place, ça peut être aussi efficace que dans une entreprise, chacun fait son boulot. Et bien», souligne-t-il. Le dialogue est permanent entre la gouvernance et les adhérents régulièrement conviés à des réunions d’informations où la vie de la Cave en général est passé au crible fin des questions-réponses. Où rien n’ait laissé dans l’ombre. Et puis avec Guy Andrieu, Rémy Fort partage la passion de la musique. La Cave se positionnera dès le début comme le principal sponsor du Festival International de Jazz, le fameux Brass Festival. Fou de chant depuis 40 ans, il a traversé divers groupes avec bonheur (Fleurs d’Espine, les Choeurs carcassonnais, Odysseus). Poulenc, Ravel et Monteverdi ne lui font pas peur, il s’en délecte même. Et retrouve l’esprit de sociabilité et le goût de faire ensemble dans le moule du Choeur. « Quand tu chantes dit-il joliment, tu entends les autres ».
Georges Chaluleau