Quatre ans de face à face, celui d’un artiste d’aujourd’hui avec l’horreur d’hier. Quatre ans de face à face aussi avec les regards d’hommes aux visages défigurés ou posant en tenue d’apparat. Alain Fabrealnous livre avec l’exposition « Face à l’Enfer », une série de peintures et de dessins d’une rare intensité. Cent oeuvres pour le Centenaire de la fin de la guerre de 14-18 qui fit 18,6 millions de morts. Un formidable travail artistique et historique qu’il propose de découvrir en trois lieux (*) dont la tour Narbonnaise à « No man’s land, » et « Journal de guerre 2014-2018 et 1914-1918 ». L’artiste, directeur de l’école des Beaux Arts de Carcassonne, a peint sans relâche, pendant quatre ans, des combattants de la Première guerre mondiale. Sa première série des « Soldats debout », des grands formats, représente en uniformes des hommes, partagés entre crainte et conviction. Dans la plus pure tradition des portraits classiques, réservés plutôt aux monarques, Fabreal réussit le tour de force de redonner vie à ces hommes d’un autre temps. Ses « Gueules cassées », sans filtre, peintes avec toute la brutalité de la réalité, à savoir des visages décharnés sont tout aussi saisissantes d’humanité. Leurs yeux nous parlent de leurs douleurs mais aussi de leur désir de vivre. L’artiste réussit à nous rapprocher de ces frères d’humanité. Ses « No man’s land », paysages d’enfer, mélanges de charbon et de papier métallique, sont d’un réalisme froid. Arbres calcinés et plaies béantes, creusées dans la terre par les obus, donnent à ces décors, sortis de l’imagination de l’artiste, une puissance étonnante. Aux Archives, place à quarante-cinq dessins, entre ombres et couleurs, qui racontent des épisodes du magnifique Journal de Louis Barthas tonnelier. Quatre séries d’oeuvres à voir absolument. Quatre ans d’une vie d’artiste qui vise à « connecter le temps, à ouvrir un passage entre passé et présent, et pénétrer le territoire artistique et historique de ma mémoire. »
(*) « Face à l’Enfer » à voir jusqu’au 26 janvier, salle des Chevaliers de la tour Narbonnaise, à la chapelle des Jésuites et aux Archives départementales de l’Aude.