Si l’Aude est terre d’aventurier, il en est un à nul autre pareil. Henry de Monfreid, né à la Franqui où il a passé toute son enfance était fils d’un peintre, graveur. Sa mère exploitait une résidence de vacances. C’est à la Franqui qu’il fera ses premières expériences de navigateur à la voile le long des côtes languedociennes. Dés 5 ans, il connaît l’appel du large puisqu’il fait la traversée de Port-Vendres à Alger avec son père. Celui-ci ayant décidé de résider à Paris, menant une existence de peintre un peu bohème, le jeune Henry côtoie les amis artistes de son père dont Matisse et Gauguin. La séparation de ses parents le conduira à Carcassonne où vit sa mère et où il fera ses études avant de revenir sur Paris préparer Centrale. Mais le jeune Henry est un homme libre et la discipline et le fait d’étudier entre quatre murs ne lui conviennent pas. Il abandonne ses études d’ingénieur et fait tous les petits métiers avant de se retrouver patron d’une laiterie à Melun. Notre homme a soif de nouveaux horizons. Il embarque pour l’Ethiopie, engagé par un négociant. On le retrouve à Djibouti avant Obock où il construit ses navires spécialement conçus pour naviguer sur la mer Rouge. Contrebandier, il vit de trafics d’armes, de haschich qu’il va revendre aux égyptiens. Mais contrairement à des rumeurs, il criera haut et fort qu’il n’a jamais pratiqué la traite des noirs entre Afrique et Arabie. En 1914, il se convertit à l’Islam, mais comme il ne tolère aucun carcan, il s’éloignera très vite de toute idée religieuse. On le retrouve un temps, espion pour la France engagée contre la Turquie. Sur les côtes de cette mer Rouge qu’il connaît parfaitement, il rencontre Paul Vaillant Couturier et Joseph Kessel. Le grand reporter et écrivain, fasciné par les aventures, incitera de Monfreid à écrire. Il le fera avec bonheur. Ses livres, une cinquantaine au total en comptant cinq éditions à titre posthume, sont un succès. « Le secret de la Mer Rouge » est l’ouvrage d’un véritable écrivain dont le style et la trame feraient pâlir d’envie bien d’auteurs de renom d’aujourd’hui. Arrêté durant la seconde guerre mondiale pour avoir aidé l’Italie, il est exilé au Kenya. Il reviendra dans la corne de l’Afrique avant son retour en Méditerranée avec « l’Obock », son boutre, racheté et restauré par un audois, amarré à Port-la-Nouvelle qui avait encore à son bord l’âme de ce génial aventurier. Henry de Monfreid a terminé son voyage dans l’Indre en décembre 1974.
Jean-Yves Tournié